Sociabilités et réseaux sociaux (par Benoît Lelong)


Dans les mondes professionnels de l’information et de la communication, on attribue aux réseaux sociaux numériques de formidables pouvoirs : faire advenir de nouvelles communautés, multiplier les contacts interindividuels, accélérer la circulation des savoirs… A l’inverse, certains discours publics leur imputent une augmentation de la souffrance sociale, du harcèlement, du sentiment de solitude, de la défiance envers les institutions. Alors qu’en est-il véritablement ? Que nous apprennent les enquêtes réalisées par les sociologues, les anthropologues, les linguistes, les démographes, les politistes, les historiens ?

 

Répondre à ces questions implique d’observer en détail la vie sociale elle-même, les sociabilités, de même que les fonctionnalités techniques des plateformes. De surcroît, il faut étudier de près les reconfigurations conjointes entre les unes et les autres, entre les liens sociaux et les services en ligne. On aboutit alors à des conclusions parfois inattendues. Cet enseignement vise d’abord à rappeler que les usages de ces technologies de communication dépendent toujours de fortes déterminations socio-économiques : ils varient selon les structures familiales, les identités de genre, les inégalités culturelles et territoriales… Pour autant, les relations interpersonnelles sont bel et bien réorganisées en profondeur par la multiplication des outils de contact. Mais ces recadrages des interactions sociales sont étonnants, souvent contraires aux prévisions, et ils dépendent étroitement des équipements utilisés. D’où un bilan contrasté, contestant les thèses simplistes sur une dégradation ou un accroissement de la sociabilité par le déploiement des réseaux sociaux numériques.